Mixité sociale : ne baissons pas les bras !

On parle beaucoup de Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE) ; nous-mêmes avons présenté notre feuille de route en la matière la semaine dernière. Fidèles à notre approche pragmatique, nous nous sommes donc posé la question de ce qui faisait sens pour nous dans l’accompagnement des acteurs du logement social et accompagné, et de l’impact social de nos missions.

Nous aspirons tous à ce que notre travail ne se réduise pas à cocher des cases réglementaires, ni à renseigner des tableaux de suivi. Ce qui fait sens pour nous tous, bailleurs et acteurs du logement, c’est d’œuvrer à ce que des ménages puissent accéder à un logement décent et adapté à leurs besoins.

Mais les données d’attribution, les rapports ANCOLS et nos interventions nous amènent à constater que les demandeurs à faibles ressources ont de plus en plus de difficultés à accéder au parc social, notamment hors des quartiers prioritaires.

La mise en place depuis la loi Egalité et Citoyenneté de 2017 de l’objectif réglementaire des 25% d’attributions hors quartiers prioritaires aux demandeurs du premier quartile de ressources a au moins contribué à objectiver cette difficulté. Mais ce suivi n’a pas permis d’améliorer les résultats : les meilleures années, ce taux est de 16%, et moins de 10% des EPCI atteignent l’objectif réglementaire.

Le suivi semestriel mis en place depuis cette année n’y changera rien, tant la fatalité s’est installée auprès des bailleurs, des élus, et des services de l’Etat : « on sait que c’est difficile à atteindre mais on ne peut pas inscrire moins », « on n’a pas le parc pour loger ces publics », etc. Pourtant, des solutions existent et elles ne passent pas uniquement par la construction de nouveaux logements à financement PLAI.

 Pourquoi vouloir loger des ménages à faibles ressources hors des quartiers prioritaires ? 

Dans un contexte de crise du logement, plusieurs lois ont fait évoluer le Code de la Construction et de l’Habitation pour que les attributions de logements sociaux répondent à deux enjeux à articuler :

  • l’accès au logement pour les ménages à faibles ressources ou en difficultés sociales ne pouvant accéder à un logement décent sur le marché privé,
  • la mixité sociale à l’échelle des résidences, des quartiers et des territoires.

Mais, sans action volontariste, on constate que les ménages à faibles ressources se voient mécaniquement proposer les logements situés en quartiers prioritaires de la ville, là où les loyers sont structurellement plus faibles. Années après années, on constate une concentration des difficultés économiques et sociales dans les mêmes quartiers, parfois dans les mêmes résidences.
En 2017, le premier ministre de l’époque, Manuel Valls, avait évoqué un « apartheid territorial et social », constat à l’origine de la Loi Egalité et Citoyenneté. Les évènements de cet été l’ont encore démontré : personne n’a intérêt à laisser se pérenniser des zones de fragilité aussi marquées que celles que nous connaissons aujourd’hui.

 Quelles sont les solutions ? 

Le modèle de financement du logement social, et de production des opérations, pousse les bailleurs à raisonner à périmètre de financement constant pour chacun de leurs logements -PLAI, PLUS, PLS- fixé à la mise en service, et qui détermine directement le montant maximum du loyer. Chaque logement aurait donc une trajectoire de loyer, dont l’agrégation à l’échelle du patrimoine dessine la projection financière du bailleur social. Dans le contexte d’une difficulté croissante pour les bailleurs à équilibrer leurs opérations, on comprend que les loyers élevés des mises en service et les hausses à la relocation sont inscrits dans le dur d’un organisme.

Or, le législateur a introduit successivement ces dernières années des dispositifs dérogatoires de fixation des loyers dans le parc social : Nouvelle Politique des Loyers (NPL), le loyer unique, la politique des loyers dérogatoire. À périmètre financier constant (en référence aux plafonds), il est donc possible de moduler les loyers pour permettre de loger des ménages à faibles ressources en dehors des quartiers prioritaires. Cette modulation peut s’opérer sur un segment du parc, à l’échelle d’une résidence, d’un quartier, ou d’un EPCI.

De plus, l’étude ANCOLS de 2021*  sur le sujet montre que les pratiques d’instruction comportent de nombreux freins pour les dossiers des ménages à faibles ressources : calcul du reste à vivre par personne plutôt que par unité de consommation, non prise en compte des APL.

* Source : étude Ancols “Bilan et perspectives d’amélioration de la mise en œuvre de l’obligation d’attributions de logements sociaux situés en dehors d’un quartier prioritaire de la politique de la ville à des ménages modestes”, 2021

 Concrètement, comment on s’y met ? 

Le secteur a connu de nombreuses et profondes transformations depuis une dizaine d’années. La pression sur les ressources des organismes, la crise économique et sociale rencontrée par les locataires et la stratification réglementaire ont mis sous pression les équipes ainsi que les comptes des organismes.

Seulement 2% des bailleurs sociaux ont expérimenté un des dispositifs dérogatoires à la politique de loyer.** Vous connaissez trop de difficultés et trop d’incertitudes pour vous lancer seuls sur ce sujet.

C’est pourquoi nous sommes convaincus que la solution se trouve à l’échelle des EPCI. De la loi ALUR de 2014 à la loi 3DS de 2022, la réglementation renforce de manière continue cette échelle territoriale comme pertinente sur la question du logement. Quand historiquement les quartiers prioritaires se situent la plupart du temps dans la ville centre des EPCI, on comprend l’importance d’une programmation concertée et de mécanismes de solidarité intercommunaux pour permettre aux ménages à faibles ressources d’accéder au logement et de travailler sur la mixité sociale.

Une amélioration des pratiques d’instruction et une remise en cohérence des politiques de loyer ne seront pérennes que si elles sont portées à l’échelle de l’EPCI, avec l’engagement de tous les bailleurs sociaux et acteurs du logement abordable du territoire, autour d’une volonté commune d’améliorer l’accès au parc social des ménages à faibles ressources tout en contribuant à la mixité sociale.

En tant qu’acteur engagé et fédérateur, Aatiko est à votre disposition pour échanger et mobiliser vos partenaires, élus, agents de l’Etat et des collectivités sur ce sujet au cœur de la raison d’être du logement social.

** Source : étude Ancols “Les dispositifs dérogatoires de fixation des loyers dans le parc social”, 2023

On en parle ?

Olivier CARILLO
Consultant senior
o.carillo[at]aatiko.fr – 06 19 83 21 11

Etienne BALEY
Consultant senior
e.baley[at]aatiko.fr – 07 85 81 38 71