Vers la création d’opérateurs globaux de l’habitat : un mouvement de fond dans le logement social !

S’inscrire dans l’ensemble des politiques de l’habitat, répondre à la diversité des besoins territoriaux, se positionner dans une logique d’ensemblier plutôt que d’opérateur… Les OLS sont nombreux ces dernières années à avoir fait évoluer leur champ d’action pour développer des activités nouvelles (accession sociale, syndic d’intérêt général, gestion de parking, développement de maisons de santé…)

La loi ELAN a élargi le champ des possibles et ouvert la voie à ces évolutions, en cherchant à apporter des réponses à un modèle économique qui s’était tendu suite à la loi de finances 2018 et à l’instauration de la RLS notamment. Les marges de manœuvre s’amenuisant – entre augmentation des charges, coûts d’opération et taux d’intérêt et des recettes qui évidemment restent contenues – nous constatons dans les échanges que nous pouvons avoir ces derniers mois avec les OLS une augmentation très sensible de la variété des sujets, ou tout du moins une évolution dans la façon de penser leur développement (volumes, territorialisation, nature de produits, temporalités, moyens…)

Mais l’argument économique et les évolutions réglementaires n’expliquent pas seuls ces changements de posture. En effet, les OLS s’inscrivent de notre point de vue dans un contexte plus général de repositionnement des opérateurs des territoires au service de l’intérêt général – en articulation notamment avec les EPL – et en réponse à des besoins territoriaux qui se complexifient et se diversifient fortement (vieillissement de la population, réinvestissement des centres-villes et centres-bourgs, urgences environnementales, (in)adéquation entre offre et demande de logements, continuité des parcours résidentiels à l’échelle d’un territoire…). Autant de sujets auxquels il faut trouver des solutions et pour lesquels les OLS sont parmi les premiers interlocuteurs des élus et sont légitimes pour intervenir de manière globale :

  • par leurs capacités opérationnelles et d’ingénierie et leur proximité avec les besoins des territoires, ils sont souvent les interlocuteurs privilégiés des collectivités ;
  • parce que le logement est la clé de voûte des projets territoriaux, qui drainent en parallèle des questions d’aménagement, de développement économique, de services publics…

 Quelles perspectives de repositionnement ? 

Nous sommes convaincus que le mouvement de diversification des activités des bailleurs sera amené à se prolonger fortement ces prochaines années : d’une part, parce que le contexte économique des organismes fait ressortir un besoin de trouver d’autres sources de revenus pour équilibrer les modèles, et d’autre part, parce qu’il demeurera un besoin d’opérateurs sur des champs d’activités non (ou trop peu) couverts – sociaux, d’intérêt général, trop peu rentables – et dans le prolongement direct des interventions des OLS.

Diversification des activités ne signifie cependant pas, selon nous, renier ses engagements et sa vocation initiale (loger des ménages modestes), et il ne s’agit pas non plus de créer des mastodontes réunissant tous les métiers. Il s’agit de répondre de manière plus performante aux besoins des territoires et aux attentes des parties prenantes, dans le prolongement, sur un ou quelques axes de développement bien ciblé(s), de l’action de l’organisme.

De fait, deux axes de diversification se dégagent en partant du positionnement classique d’un bailleur social constructeur et gestionnaire de logements locatifs sociaux familiaux :

  • une diversification des activités, en amont et/ou en aval de la chaîne de valeur de l’habitat, vers une activité d’aménageur (par exemple, pour requalifier des quartiers d’habitat ancien) voire des études pré-opérationnelles, ou à l’inverse sur le développement de services aux habitants (par exemple, une activité de syndic) ;
  • une diversification des produits, au-delà du logement locatif conventionné, vers d’autres offres de logement (logements locatifs intermédiaires ou libres, accession à la propriété, etc.) et/ou sur d’autres modalités de gestion et de propriété.

La diversification repose sur le passage d’une position de constructeur-gestionnaire de logements sociaux à celle de fédérateur d’un ensemble de solutions au service de l’Habitat, à travers la mixité des opérations mais aussi des activités d’accession sociale, de syndic, d’accompagnement de populations spécifiques ou défavorisées au sein de foyers et pensions de famille, logement des seniors, foncières, aménagement, intervention en centre ancien, etc.

Ainsi, alors que plus de 2/3 des 1 376 EPL s’inscrivent dans un projet de diversification, selon une étude de la fédération des EPL, on entrevoit un mouvement tout aussi massif au sein du secteur HLM. Cependant, ces projets de diversification se doivent d’être mûrement analysés et réfléchis afin de positionner le projet de diversification à travers la stratégie globale des opérateurs, garantissant ainsi sa cohérence et permettant de concentrer les investissements sur les activités à fort effet levier financier, sociétal et environnemental.

 Evaluer les opportunités de diversification : un préalable impérieux ! 

Chaque organisme est unique et se caractérise par des besoins et ressources propres, sur des territoires aux enjeux pluriels, parfois complexes ou hétérogènes. Dans cette perspective, et comme nous le partagions dans un précédent billet d’humeur, il convient de s’interroger autour de 4 questions ouvertes, qui nous semblent centrales et incontournables :

1. A quel besoin est-ce que je veux répondre et quelle offre est proposée sur le territoire ?
Il s’agit de mettre en lumière les dynamiques locales et les éventuelles carences pour objectiver les besoins en logement des territoires : accompagner les tendances, détecter les signaux faibles, et se positionner sur les segments peu couverts, qu’il s’agisse de produit-logement mais aussi de modes opératoires qui servent le projet de territoire.

2. Puis-je, en en tant qu’opérateur, proposer cette activité (en direct ou via une filiale) ?
Au-delà de la réponse juridique formelle, il s’agit ici d’ouvrir le champ des possibles, dans le respect des dispositions du CCH, afin d’envisager l’ensemble des opportunités et des possibilités statutaires et de les évaluer à travers différents prismes : sécurité juridique, possibilités d’organisation et de fonctionnement, financier et fiscal, image renvoyée, etc.
… permettant ainsi d’ouvrir des portes aujourd’hui fermées, ou de laisser fermées des portes impossibles à ouvrir !

3. Ai-je un intérêt à me lancer dans cette activité ?
Evaluer l’opportunité de création d’une nouvelle activité revient à identifier la valeur ajoutée spécifique produite. Cela nécessite de construire une connaissance fine des mécanismes de création de valeur de cette activité, en d’autres termes d’interroger son modèle économique.
Ainsi, cette approche doit se traduire naturellement en termes économiques, mais le cœur de l’analyse doit être l’analyse des externalités positives (et négatives) induites par ce modèle. Il convient ainsi d’adopter une approche de la « création de valeur » élargie aux bénéfices et coûts sociaux et environnementaux.

4. Ai-je les compétences pour mener cette activité ou me faut-il en acquérir ?
La réponse négative à cette question ne doit évidemment pas réduire l’intérêt de l’opportunité. Pour autant l’évaluation de la capacité organisationnelle et RH à déployer cette nouvelle offre est primordiale, car la création d’une activité nécessite investissement, mobilisation et engagement – aussi bien à travers le pilotage du projet que le déploiement opérationnel de l’activité. La dimension organisationnelle et RH n’est donc pas à sous-estimer et doit constituer une réflexion préalable garantissant une mise en dynamique optimale.

Le sujet de la diversification est un sujet qui attire fortement et donne à voir la capacité des organismes à se réinterroger, à se transformer et à élargir la palette de leurs compétences. Cependant, la diversification demeure particulièrement complexe car elle bouscule sensiblement les modèles des organismes et interrogent leur manière d’intervenir sur les territoires.

Opportunité incontestable permettant de conforter les OLS sur les territoires et comme acteurs au service de l’intérêt général, la diversification doit être portée avec ambition mais analysée préalablement avec rigueur !

Echangeons !

Nicolas MER
Manager et DG adjoint chargé du développement
n.mer[at]aatiko.fr – 07 63 88 15 39

Etienne BALEY
Consultant senior
e.baley[at]aatiko.fr – 07 85 81 38 71