Projets d’évolution stratégique et de diversification

L’affaire est-elle dans la « SAC » ? Pour une stratégie de coordination pensée et choisie au service d’un projet

Depuis février, les contours de la reconfiguration du secteur du logement social se précisent.
Et si ELAN reste encore à l’état de projet de loi, le texte présenté en conseil des ministres le 4 avril autorise déjà quelques projections.

Aujourd’hui, le sujet qui retient notre attention est celui du regroupement des organismes permettant d’atteindre le seuil des 15.000 logements. En la matière, la SA de Coordination émerge bien comme le dispositif de constitution d’un groupe le plus accessible et le moins contraignant pour nombre d’organismes de logement social.

Mais derrière cette relative souplesse et cette apparente facilité, s’engager dans une SA de Coordination (SAC) soulève des questionnements qui méritent qu’on s’y attarde.
Avec ce billet, nous vous proposons d’explorer, à travers une approche volontairement constructive – et toujours pragmatique -, les premiers scénarios de SAC imaginables.

Certaines des modalités opérationnelles restent à préciser, mais faisons le choix de dépasser ces incertitudes (au risque de possibles erreurs d’interprétation) pour nous concentrer sur la construction des stratégies de coordination qui réunissent les associés de la SAC autour d’un projet commun.

L’affaire est-elle dans la « SAC » ?
Pour une stratégie de coordination pensée et choisie au service d’un projet

Extrait et (très) librement traduit du site internet DILBERT ©

La SAC, un outil de regroupement relativement souple ? Ce que dit le projet de loi ELAN

La Société Anonyme de coordination (SAC) constitue l’une des trois modalités de regroupement proposées aux organismes d’habitation à loyer modéré dans le projet de loi ELAN, les deux autres étant :

  • le groupe au sens du code du commerce,
  • Action logement, « groupe sui generis ».

Son capital est détenu par des associés : OPH, ESH, sociétés coopératives, SEM ou maîtrise d’ouvrage d’insertion.

Par ailleurs, elle est dotée de prérogatives spécifiques qui ouvrent la voie à des stratégies diversifiées :

  • Elaboration du Plan Stratégique de Groupe et du cadre stratégique d’utilité sociale, documents cadrant les PSP et CUS de chacun des associés,
  • Définition technique des politiques patrimoniales des associés,
  • Mutualisation des achats,
  • Mutualisation des ressources financières pour mettre en œuvre le PSP,
  • Développement d’une unité identitaire et développement des moyens de communication,
  • Mise en œuvre de la solidarité financière en cas de difficultés d’un des membres, contrôle de gestion et consolidation des comptes,
  • A la demande des associés, opérations de maîtrise d’ouvrage, d’aménagement, prestations de service.
Ainsi, dans sa version minimaliste, la SAC pourrait se traduire par un regroupement :

> a-territorial, la continuité territoriale n’étant pas constitutive de la SAC
> faiblement contraignant pour les associés selon le contenu du PSP et de la CUS groupe
> faiblement source de gains de performance si les mutualisations se limitent à quelques achats
> Et cependant fortement engageant en cas d’enjeu de pérennité d’un associ

Sans présager des dynamiques qui se jouent à l’échelle de chaque organisme et des territoires, la question de l’intérêt d’une telle SAC « a minima », source de coûts de coordination mais non véritablement génératrice de valeur ajoutée, ni pour les associés, ni pour les territoires, se pose… A moins qu’elle ne constitue les prémices d’une coopération future plus approfondie, laissant à la confiance le temps de se construire et aux synergies l’opportunités de se révéler.

Alors sans laisser le temps au temps, projetons-nous dès à présent dans ce que pourrait être une « coopération plus approfondie » et tentons de la caractériser concrètement.

« SAC de performance » ou « SAC territorialisée », deux scénarios optimistes pour cadrer votre stratégie de regroupement

Nous évoquons ici deux orientations schématiques différentes, mais non exclusives, sur lesquelles il est possible de s’appuyer pour structurer votre stratégie de regroupement. Ces orientations visent à faire émerger quelques points de repère généraux, et non à rendre compte de la richesse des situations locales. Nous les avons dissociées par souci de lisibilité, mais gageons que vous saurez les articuler dans des projets adaptés à vos enjeux.

 La « SAC de performance », une coordination et une mutualisation centrées sur les économies d’échelle et la recherche de ressources supplémentaires

Associés au sein d’une « SAC de performance », outre la prise en compte de l’obligation de regroupement de la loi ELAN, vous cherchez avant tout à valoriser au mieux :

  • les opportunités d’économies d’échelle permises par la mutualisation de vos moyens
  • les opportunités de revenus supplémentaires :

> via des prestations réalisées pour le compte de la SAC ou pour l’un de vos associés sur des compétences ou capacités de production qui vous seraient propres (par exemple fonctions support, maîtrise d’ouvrage sur des produits spécifiques, aménagement, accession sociale, …)
> via le développement de nouveaux métiers ou produits, rendu possible par la mutualisation des moyens (gestion de résidences collectives, accession et vente hlm, …)

Dans une telle SAC, l’appartenance à un même territoire ne constitue pas un prérequis, même si une relative proximité géographique peut être propice à la mutualisation de certains moyens.

Entre associés, vous vous retrouverez plutôt autour de :

  • la similitude de vos pratiques, pour faciliter la mise en commun :
    > ERP identique et/ou plan de digitalisation commun, partagés par exemple autour d’une plateforme de données commune,
    > approches comparables de la relation client, qui rendent possible la mise en place d’un CRC commun,
    > processus de quittancement homogènes qui peuvent être réalisés en central,
    > logiques d’intervention patrimoniale comparables qui facilitent la mutualisation des équipes,
  •  la complémentarité de vos domaines de compétences, pour favoriser les échanges de services et d’expertises réciproques ou le développement de nouveaux produits :
    > Compétence marketing, juridique, de contrôle de gestion, RH… de l’un des associés qui peut être mise à disposition de tous
    > Compétence de prospection foncière, d’accession sociale, d’aménagement, de gestion de structures collectives, de logements meublés, …

A l’appui de cette stratégie, vous développez au sein de la SAC un portefeuille de marques permettant d’accroître votre visibilité auprès de vos différentes clientèle cibles…. tout en conservant votre identité propre et votre lien spécifique à vos territoires.

La « SAC territorialisée », une coordination et une mutualisation au service des enjeux d’un territoire partagé

Au sein de la « SAC territorialisée », vos associés et vous partagez un même territoire et vous vous retrouvez d’abord autour d’un projet commun articulé aux enjeux de ce territoire.
Votre territoire de coordination pertinent pourra varier selon votre contexte (EPCI, Département, voire Région ?) mais, à tout le moins, il doit constituer une unité cohérente pour répondre aux enjeux des politiques du logement.

La présence des représentants des collectivités et/ou EPCI au sein de vos instances délibératives est ici prévue par vos statuts et contribue à garantir la cohérence entre les orientations de la SAC, celles de chaque associés et les enjeux du territoire.

Votre projet commun d’associés d’un même territoire se décline dans le PSP et la CUS du groupe, qui coordonnent vos ambitions et vos actions sur le territoire et vous permettent de proposer un interlocuteur unique pour la mise en œuvre des politiques locales de l’habitat.

Vous n’excluez bien évidemment pas de rechercher à travers la SAC des économies d’échelle, mais vos mutualisations visent prioritairement une cohérence territoriale accrue. Par exemple,

  • grâce au PSP de la SAC qui structure vos interventions, vous coordonnez vos réhabilitations avec vos confrères sur un même quartier, évitant le phénomène d’aspiration des locataires entre bailleurs au gré des interventions ;
  •  et si l’enjeu de développement d’une offre nouvelle est fort, pourquoi ne pas mutualiser vos équipes de maîtrise d’ouvrage pour gagner en force de frappe opérationnelle ?
  • en matière de prospection foncière, vous unissez vos forces et compétences face aux opérateurs privés, plutôt que de vous faire concurrence
  • à l’égard des demandeurs, vous partagez une stratégie de communication cohérente, portée conjointement, dans l’esprit de ce qui est attendu en la matière dans le cadre des Plans Partenariaux de Gestion de la Demande
  • vous pouvez tenter l’expérience d’une centralisation de la gestion des mutations au sein du parc des associés ou encore, d’un accompagnement social mutualisé, si tant est que ces activités relèvent bien des prérogatives de la SAC

Au-delà d’une stratégie de principe, des enjeux et des questionnements très concrets

Nous le reconnaissons volontiers, le paysage brossé dans ces deux scénarios est optimiste.

Car sans même prendre en compte les enjeux politiques, les échéances électorales, les logiques de pouvoir, les enjeux de personnes – qui sont bien réels – la définition d’un projet de SAC soulève de nombreux questionnements. En voici un aperçu :

  •  En matière de stratégie et de gouvernance
    > Comment à travers les statuts de la SAC, poser les bases d’un équilibre entre confiance / contrôle entre associés ?
    > Quel statut juridique choisir pour la SAC : une SA ou une SA coopérative à capital variable ?
    > Comment organiser la représentation des collectivités territoriales et des EPCI afin d’éviter le sentiment de perte de contrôle de la part des élus tout en facilitant la prise de décisions au sein de la SAC ?
     > Quel est le territoire pertinent pour concevoir un projet de SAC territorialisée ?
    > Une SAC territorialisée a-t-elle un sens si elle ne mobilise que quelques bailleurs d’un territoire ?
    > Comment gérer les conflits d’orientations entre la SAC et un associé ?
  • En matière de périmètre des activités mutualisées via la SAC
    > Existe-t-il des mutualisations qui vont générer « à coup sûr » des gains pour chaque associé ?
    > Selon la stratégie de regroupement retenue, quelles sont les missions qu’il est nécessaire de conserver dans le périmètre de chaque associé ?
  • En matière de fonctionnement
     Comment organiser le nécessaire contrôle de gestion en limitant les moyens investis et en évitant un dispositif lourd…… tout en garantissant la production des éléments nécessaires à la collaboration confiante entre associés ?
    > Quelle organisation, quels moyens mettre en place pour gérer la coordination entre la SAC et ses associés ? Peut-on créer une SAC sans générer des dépenses supplémentaires pour l’ensemble « SAC / associés » ?
    > A partir de quel moment l’ensemble « SAC / associés » devient-il rentable, source de ressources supplémentaires pour les associés ?

Dans ce contexte, est-il urgent d’attendre, d’observer comment progressent les quelques courageux confrères qui se lancent dans un projet de SAC ?
De notre point de vue, ces questionnements n’ont pas vocation à disparaître avec le temps, ni nécessairement à trouver des réponses (locales) aisément généralisables. Au contraire, ils vont s’enrichir, se préciser, se reformuler à mesure que vous vous engagerez dans votre propre projet. C’est donc bien à cette question qu’il est urgent de répondre : une SAC certes, mais pour quoi faire ?

Comment progresser dans cette réflexion ?

Si vous souhaitez :

> Définir la stratégie de regroupement pertinente au regard de votre situation spécifique
> Formaliser un discours de sensibilisation à l’égard de vos instances de décision
> Réfléchir au périmètre de votre SAC, estimer les économies d’échelle que vous pouvez réaliser
> Préciser l’organisation « SAC – associés »la plus efficiente et la plus fluide, structurer les processus de coordination
>

… n’hésitez pas à prendre contact avec notre équipe. Nous serons ravis de comprendre vos enjeux spécifiques et de partager les expériences d’Aatiko et de la Scet sur ces enjeux.

On en discute ?

Pierre-Louis ROUSSEL

DG délégué. Spécialisé en "Stratégie numérique & digitalisation des métiers"

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