Stratégie immobilière 360 : plan climat, patrimonial, technique et achats
Face au changement climatique : stratégie patrimoniale & résilience
Inondations, retrait-gonflement des argiles, chutes de grêle, canicules… Le changement climatique modifie fortement les conditions et les risques auxquels doit faire face le patrimoine immobilier des bailleurs sociaux.
Présentée comme l’aboutissement dans la prise en compte de ces risques, comme le Graal à atteindre, on parle beaucoup de « résilience ». Qu’est-ce que la résilience, pour un bailleur ? Pourquoi mérite-t-elle qu’on s’y intéresse… et pourquoi encore davantage dans le contexte actuel ? Comment l’intégrer dans sa stratégie patrimoniale ?
Nous répondons à vos questions, comme on aime bien le faire, en croisant nos regards avec un partenaire. C’est cette fois-ci Pouget Consultants qui s’est prêté au jeu, une société de conseils et d’ingénierie en efficacité énergétique et environnementale des bâtiments. La parole à notre consultante Léa Brochet et à Tom Sarrebourse, ingénieur et référent résilience chez Pouget.
La résilience du patrimoine, qu’est-ce que c’est ?
Tom Sarrebourse (Pouget) : Pour bien définir les termes, la résilience au sens large, c’est la capacité d’un système à subir une crise et à retourner rapidement à un état d’équilibre. Dans notre contexte, Léa et moi, nous parlons de résilience du patrimoine face au changement climatique.
Prenons par exemple un cas déjà largement vécu, celui d’une inondation : si une maison est inondée, est-ce que l’eau va causer des dégâts ? Est-ce qu’ils vont être importants et nécessiter beaucoup de travaux pour remettre la maison en état ? Ou au contraire, est-ce que le bâtiment pourra retrouver rapidement un fonctionnement normal, avec peu ou pas de travaux ? Si c’est le cas, on parlera alors de bâtiment résilient aux inondations.
Quand on traite de résilience, on touche ainsi aux notions d’exposition et de vulnérabilité : est-ce que le patrimoine auquel on s’intéresse peut être concerné par un phénomène climatique extrême ? Est-il vulnérable et à quel type d’évènements ? Pour les bailleurs, se pencher sur l’exposition de leur parc et sur sa capacité de résilience justement, c’est donc réfléchir à leur stratégie patrimoniale, notamment en termes d’investissement financier.
Pourquoi s’intéresser à la résilience du patrimoine ?
Léa Brochet (Aatiko) : Pour poser des arbitrages patrimoniaux, les bailleurs sociaux avaient jusqu’à présent tendance à considérer les caractéristiques intrinsèques du bâtiment, son état technique et son attractivité. Désormais, on va examiner les enjeux de décarbonation, qui sont devenus réglementaires.
Notre conviction, c’est que, dans cette analyse, cela n’a pas de sens de ne pas considérer l’environnement dans lequel s’inscrit ce patrimoine, les risques climatiques auxquels il s’expose : s’il est dans une zone sismique ou inondable par exemple, ou dans une zone dans laquelle il y a un risque climatique avéré. De la même façon qu’il faut apprécier l’attractivité de la zone pour coter un bâtiment, son exposition à un risque climatique doit également et impérativement faire partie des critères d’arbitrage.
Dans la mesure où le bailleur investit dans son patrimoine immobilier, il a une logique d’intervention à long terme : à 10 ans, à 20 ans ou davantage. Par conséquent, il importe qu’il étudie les risques climatiques potentiels sur les 10-20 prochaines années… et les différentes façons de les anticiper et de les prévenir. Il est indispensable d’analyser l’exposition patrimoniale à ces risques, et leur amplification, pour ne pas les subir, mais aussi pour être prêt à y faire face.
Tom (Pouget) : En ce moment, les bailleurs investissent massivement dans de gros travaux de rénovation du patrimoine. Ils ont donc un vrai intérêt à se poser cette question : est-ce que la dynamique de rénovation énergétique que je suis en train de mener est en adéquation avec les conditions climatiques auxquelles sont d’ores et déjà exposés mes bâtiments… mais aussi avec les conditions auxquelles ils seront exposés dans 10 ou 20 ans ?
Un exemple très concret de réflexion à avoir : on a beaucoup parlé récemment du confort d’été des locataires. Le changement climatique conduit à des hausses de températures sur l’ensemble de la France, avec un patrimoine qui n’est globalement pas adapté, notamment dans les territoires qui n’étaient pour le moment que peu concernés par des vagues de chaleur. Si je suis bailleur et que je suis lancé dans une rénovation énergétique, il est alors nécessaire que je m’interroge : est-ce que cette rénovation permet d’améliorer le confort d’été ? Etant donné que j’ai déjà enclenché des travaux sur mon bâtiment, est-ce que je peux y intégrer des éléments qui permettront d’augmenter le confort ?
En quoi la résilience du patrimoine est-elle un enjeu d’actualité ?
Léa (Aatiko) : Il y a une vraie nécessité d’anticiper. Les bailleurs travaillent actuellement à construire leur PSP, LE document qui va conforter la stratégie patrimoniale des 10 prochaines années et c’est sur la base de cette réflexion-là que les bailleurs doivent intégrer les enjeux d’adaptation de leur parc aux risques climatiques. Et par conséquent, décider de leurs investissements en conscience.
Tom a parlé du confort d’été ; on pourrait mentionner aussi les zones sismiques. Est-il raisonnable d’investir dans un patrimoine qui est exposé à des risques de tremblement de terre, sans agir pour stabiliser sa structure et ainsi faire en sorte qu’il soit plus durable ?
L’anticipation, pour le bailleur, c’est se donner un maximum de critères pour définir une stratégie d’investissement qui soit résiliente. Anticiper pour investir là où c’est nécessaire. On aime bien résumer avec cette phrase : « Le coût de l’action sera toujours inférieur à celui de l’inaction. » Le plus coûteux, le plus complexe, sera toujours le patrimoine qui a subi un risque auquel il n’a pas été préparé.
Comment intégrer la résilience à sa stratégie patrimoniale ?
Tom (Pouget) : Le point d’entrée de notre accompagnement auprès des bailleurs, c’est le diagnostic d’exposition. Aujourd’hui, chez Pouget, nous disposons de cartographies d’exposition assez détaillées. C’est hétérogène selon les phénomènes, parce que certains sont plus difficiles à anticiper et à modéliser, notamment les inondations par remontée de nappe phréatique, les tempêtes, les chutes de grêle, qui sont encore des domaines de recherche scientifique importants et pour lesquels la donnée s’améliore au fil du temps. Mais nous possédons déjà une base très solide pour les autres phénomènes, ce qui nous permet de dresser un diagnostic d’exposition.
On commence donc par localiser le patrimoine et le recouper avec ces cartographies d’exposition pour déterminer quels bâtiments vont être exposés. Une fois que nous avons accompagné le bailleur pour dresser ce diagnostic d’exposition, nous passons la main à Aatiko : c’est Léa ensuite qui va aider à construire les orientations stratégiques pour ces bâtiments. Et il est à ce stade possible de décider des orientations stratégiques en connaissance de cause, parce qu’on peut regarder les bâtiments et savoir s’ils sont exposés et s’ils sont vulnérables.
Prenons par exemple le patrimoine d’un bailleur situé dans un territoire exposé au phénomène de retrait et gonflement des argiles. Son patrimoine ne sera pas exposé de façon homogène : les immeubles vont être beaucoup moins impactés que les maisons, parce qu’ils sont plus lourds et qu’ils ont des fondations plus solides. Dans ce cas, une maison est typiquement plus vulnérable qu’un immeuble et c’est par conséquent peut-être plutôt sur ce patrimoine-là qu’il va falloir travailler.
Une fois qu’on a identifié cette vulnérabilité, le bailleur peut se demander s’il est en capacité de réaliser des travaux d’adaptation et lesquels de ces travaux valent le coup :
- s’il y a effectivement des travaux utiles et que le bailleur a la capacité de mener, alors on définit un plan de travaux. On peut par exemple intégrer ça dans des travaux de rénovation menés en parallèle : c’est tout l’intérêt de recouper performance énergétique, cotation et résilience dans le PSP ;
- si les travaux nécessaires ne peuvent pas être réalisés, le bailleur va alors prendre d’autres décisions pour ce patrimoine.
Léa (Aatiko) : Dans ces cas-là, la décision peut être la vente, voire la démolition s’il y a déjà eu des fissures qui menacent l’état de structure des bâtiments et qu’on sait que ça ne s’arrangera pas. L’enjeu est de prioriser le patrimoine à rénover, de choisir ce qu’on l’on décide de rénover et dans quel ordre de priorité en considérant les autres enjeux tels que l’état technique et l’état énergétique.
Le risque à ne pas intégrer la résilience dans sa stratégie patrimoniale, c’est ainsi également le risque de faire de mauvais choix financiers. C’est décider par exemple de réhabiliter une maison par de gros travaux qui coûtent 100 000€ et qui incluent de l’isolation, des changements de vecteur énergétique, des changements d’équipement… Et qu’au final, 5 ans après ces travaux, la maison fissure en raison d’un retrait-gonflement des argiles qui n’a pas été anticipé.
Tom (Pouget) : Intégrer la résilience dans sa réflexion permet d’identifier des opportunités et donc d’optimiser ses travaux et ses investissements. Si l’on reste sur l’exemple d’une maison qui doit bénéficier d’une réhabilitation importante, sur laquelle on prévoit de changer les vecteurs énergétiques et dont on sait qu’elle est située en zone inondable, c’est l’opportunité de rehausser – dans la cave – la chaudière et les arrivées électriques. Pour permettre qu’en cas d’inondation, le nouveau système soit à l’abri.
Notre accompagnement
Tom (Pouget) : L’idée de proposer aux bailleurs un accompagnement croisé Aatiko / Pouget, c’est de regrouper des compétences qui sont complémentaires. Aatiko est l’expert PSP, qui maîtrise les différentes cotations du patrimoine et la définition d’une stratégie patrimoniale soutenable financièrement : le rôle d’Aatiko, c’est vraiment de demander à quel niveau de priorité on situe la résilience, par rapport aux autres critères de cotation. Côté Pouget, nous apportons plutôt l’expertise des expositions aux risques d’une part et l’expertise des travaux possibles d’autre part. Notre rôle est d’identifier quel patrimoine va être vulnérable, sur quels bâtiments il faut travailler et quelle adaptation il convient de mener pour qu’ils soient résilients.
Le sujet du changement climatique est souvent perçu comme complexe, scientifique et difficile à appréhender. Il y a globalement un consensus sur le fait que le climat se dérègle, mais il peut être difficile de savoir – en tant que bailleur – comment passer à l’action concrètement. C’est précisément à ça que sert cet accompagnement croisé : il permet de faire le lien entre d’une part les données scientifiques et une vision opérationnelle côté bâtiment, et d’autre part une véritable réflexion stratégique.
Léa (Aatiko) : L’objectif de cette collaboration, en effet, est d’intégrer le diagnostic technique 360° dans une véritable stratégie patrimoniale, de croiser nos expertises respectives pour délivrer un conseil stratégique, qui permette de poser des arbitrages et de prioriser en connaissance de cause.