Besoins en logements et programmation

Habitez jeunesse !

Trouver un logement devrait être un pas vers l’autonomie, mais pour beaucoup de jeunes : c’est devenu un obstacle.
Avec un taux d’effort lié au logement deux fois supérieur à celui du reste de la population, se loger est un défi quotidien qui retarde leur émancipation et fragilise des parcours déjà précaires.

Et le pire pourrait être à venir : d’ici dix ans, le « pic de décohabitation » lié aux générations nées entre 2005 et 2015 va accentuer la pression. Autrement dit : une vague de jeunes va chercher à voler de ses propres ailes… et va se heurter à un marché du logement extrêmement fermé.

Il est donc urgent de développer des solutions adaptées pour éviter que le logement ne reste un facteur de vulnérabilité.

Les jeunes, des besoins spécifiques face au marché du logement

On parle souvent des « jeunes » comme d’un bloc homogène. C’est faux.
Parmi les 15-24 ans, 43 % travaillent, 37 % sont étudiants, d’autres sont en recherche d’emploi, ou en grande fragilité sociale. Derrière ce terme générique se cachent des réalités multiples, qui exigent des réponses adaptées.


Ainsi, une première difficulté dans la réponse aux besoins des moins de 30 ans est la globalisation de leur demande et donc de la réponse à ce besoin au sein d’un terme générique : les « jeunes ». Or, ce public revêt des situations extrêmement variées en fonction de leur trajectoire scolaire, de leur capacité d’insertion professionnelle et niveau de ressources, de leurs modes de cohabitation et composition familiale, etc.

Cette uniformisation du besoin, assortie d’un certain nombre de préjugés, aboutit à des réponses souvent mal calibrées et inadaptées, mais aussi à une invisibilisation des situations, notamment pour les personnes les plus précaires.

Reconnaître la diversité des jeunesses est alors une condition essentielle pour concevoir des politiques de logement adaptées et efficaces.

Le logement social : un levier immédiat et concret sous-utilisé

Les jeunes représentent une catégorie de population généralement mobile, à la recherche d’un logement transitoire, de petite surface, déjà meublé et fonctionnel, localisé à proximité des campus, des bassins d’emplois ou des centres-villes. Ils disposent de ressources financières souvent insuffisantes ou fragiles (CDD, temps partiel…) pour accéder à un logement stable.

Cette spécificité soumet ces publics à un recours fréquent au parc locatif privé – privilégié pour 70 % d’entre eux – dont la rapidité d’accès répond aux impératifs de mobilité résidentielle mais les expose aux augmentations régulières des loyers, à la relocation et à des conditions d’habitat parfois dégradées au sein du parc ancien. 

Alors que le logement locatif social devrait être une réponse évidente pour répondre à leur besoin de logement accessible, il est pourtant très peu plébiscité par les jeunes. Seuls 23% en font la demande alors même que leur taux d’attribution est supérieur à la moyenne.

L’article 109 de la loi ELAN a rendu possible la réservation de logements sociaux, existants ou neufs, à des jeunes de moins de 30 ans pour des baux d’un an renouvelable. Cette disposition semble lever une partie des blocages dans l’accès au logement social pour les jeunes en proposant une offre meublée et clé en main qui leur est directement fléchée.

A l’heure actuelle, le dispositif reste encore marginal dans l’offre sociale et certains blocages sont à lever pour en faciliter l’essor. Les différents acteurs de l’habitat sont insuffisamment informés du dispositif alors même qu’ils ont un rôle à jouer dans sa promotion et son suivi auprès des bailleurs.

Accélérer la production de résidences à caractère social : produire plus et produire mieux

Le marché de la résidence gérée en direction des jeunes et étudiants est en croissance régulière sur le territoire français et atteint en 2024 un taux d’équipement de près de 15 % (chambres disponibles / nombre d’étudiants), ce qui laisse à voir des capacités de développement encore importantes au regard de la croissance rapide des effectifs.

Néanmoins, la construction et la réhabilitation de logements étudiants à caractère social (gestion CROUS ou HLM), qui répond davantage aux ressources de ce public, ne suit pas la hausse constante du nombre d’étudiants inscrits. Dans le même temps, les rythmes de construction des opérateurs privés sont presque cinq fois plus rapides que ceux des Crous.

Face à cet enjeu, l’Etat fixe également une trajectoire ambitieuse de production de 45 000 logements en résidence sociale ou intermédiaire pour les étudiants, entre 2025 et 2027, qui nécessite la mobilisation des grands acteurs nationaux de ce secteur.

Augmenter la production de logements pour les jeunes est une nécessité urgente. Avec le soutien de l’Etat, les structures intercommunales peuvent jouer un rôle pivot en intégrant cet objectif à leurs priorités stratégiques et dans leurs documents de planification. Le développement de partenariats avec d’autres acteurs du logement et de l’emploi des jeunes (sur le champ de l’accompagnement ou de la prévention par exemple) est une action également essentielle.

Campus Vert, cohabitation intergénérationnelle, colocations solidaires… Oser des modèles hybrides !

Outre la production de logements locatifs, de nouveaux modèles sont à valoriser.

La cohabitation intergénérationnelle solidaire permet à des personnes de plus de 60 ans de louer une partie de leur logement à un jeune contre un échange de services ou une participation financière modeste. Ce dispositif répond à la lutte contre l’isolement des seniors et au besoin de bien vieillir chez soi en utilisant des logements existants souvent sous-occupés. D’autre part, il permet une offre sur-mesure aux besoins des diverses parties tout en disposant d’un cadre juridique sécurisant par la loi ELAN.

L’initiative du Campus Vert dans les Hauts-de-France est également un concept innovant qui accompagne l’aménagement de corps de ferme pour en faire des logements étudiants à loyer modéré.

Ces dispositifs apparaissent particulièrement adaptés en secteur rural où le développement de résidences collectives n’est pas pertinent en raison d’une demande trop diffuse.

En milieu urbain, les colocations solidaires telles que le projet KAPS développé par l’AFEV, permettent d’offrir un logement à loyer modéré en échange d’une implication dans le quartier à travers des actions solidaires. Cette solution fait converger les actions liées à la politique de la ville au besoin d’accès au logement des jeunes mais reste encore très marginale à l’échelle du territoire national.

Développer ces modèles hybrides, c’est investir dans un logement qui renforce la cohésion sociale autant que l’insertion des jeunes.

Ce que nous vous recommandons, maintenant :

  • Déployer massivement le logement social meublé fléché « jeunes » – mieux faire connaître ce dispositif issu de la loi ELAN et accompagner les bailleurs dans son déploiement.
  • Fixer des objectifs chiffrés de production et de captation de logements pour les jeunes dans les documents de planification ou de programmation.
  • Accélérer la production de résidences étudiantes et jeunes travailleurs avec un vrai soutien foncier et financier public.
  • Multiplier les lieux d’informations et d’accompagnement des jeunes (Maisons de l’habitat, CLLAJ, Info Jeunesse) sur les territoires, pour informer, sécuriser et guider.

Sans une mobilisation accrue de toutes les parties prenantes dès aujourd’hui, le logement risque de devenir un frein structurel à l’autonomisation de toute une génération.

Rédaction : Emmanuelle Durand, Brune Cangardel

On en discute ?

Emmanuelle DURAND

Directrice d'études. Spécialisée en "Besoins en logements et stratégie résidentielle".

Retour en haut