Attribution, lean management et coût moyen de gestion… et le CCH dans tout ça ?

par Tristan Canat

Hasard d’agenda. Collision des perspectives.
Il y a peu, un matin, je travaillais sur les dispositifs d’encadrement des attributions : CIA, 1er quartile, priorité du CCH, les réservations, etc. dans le cadre de la préparation d’une formation d’acculturation au logement social.
L’après midi était consacrée à l’analyse d’un process métier d’un client dans une perspective d’amélioration continue / excellence opérationnelle. Il était là question d’efficience.

Rentrant chez moi le soir, je n’ai pu que faire le constat que les deux sujets de ma journée pouvaient étrangement résonner.

Extrait et (très) librement traduit du site web DILBERT ©

 Quelques principes de l’excellence opérationnelle Définir vos besoins métiers 

L’excellence opérationnelle (ou amélioration continue) est cette approche riche et complexe qui a permis à l’industrie d’atteindre des niveaux de qualité et de performance jamais atteints dans le triple respect des clients, des collaborateurs et de la gouvernance.
Dans cette approche, quelques-uns des principes directeurs pour cultiver l’efficience d’un process vont être de :

  • Chercher la frugalité du process (frugalité se dit « lean » en anglais) en s’interrogeant systématiquement : qui est mon client ? quelle est son exigence critique ? que veut il in fine ? Toutes les tâches qui ne répondent pas aux exigences du client doivent dès lors être interrogées : pourquoi est-ce que je les fais ? quelle est leur valeur ajoutée ?
  • Maîtriser la qualité de ce qui entre dans le process, sinon, aussi bon que vous soyez, vous ne ferez pas de qualité à la sortie : même le meilleur chef ne fera pas un bon plat sans les bons ingrédients. Dans ce qui entre dans le process, on trouve aussi bien les données et fournitures que les procédures, règlements ou applications informatiques.
  • Mettre en place quelques indicateurs clés, orientés vers la satisfaction du client, limités en nombre, permettant de focaliser l’attention et les énergies de l’équipe vers leur atteinte. Et faire de la lecture de ces indicateurs des moments dynamiques, animés, permettant de résoudre les problèmes.

Voila rapidement quelques-uns des principes auxquels on peut s’accrocher pour améliorer l’efficience d’un process.

 Un cadre réglementaire “lean” ? Définir vos besoins métiers 

Sur mon vélo ce soir-là, prenant un peu de hauteur, j’ai appliqué rapidement ces principes au cadre réglementaire des attributions. Quelques unes de mes réflexions ont été les suivantes :

Qui est le réel client d’un processus attribution ?

  • Le demandeur, évidement !
  • Et le réservataire ou plutôt les réservataires, devrais-je dire… Leurs logiques d’intervention sont tellement différentes qu’il faudrait les distinguer. Action Logement ou employeur, Etat – public prioritaire, collectivités… Ca nous en fait trois auxquels on peut même ajouter Etat – fonctionnaire (je vous fais grâce du réservataire « armée » !).

On ne va pas vers la clarté… mais on n’a pas fini.

  • Et les élus du territoire, membre de la CAL, en raison de leur grande vigilance sur les attributions, sont en situation de formuler des exigences et de veiller à la qualité du processus d’attribution.
  • Sans compter les locataires en place, soucieux du fonctionnement social du groupe, ou l’organisme lui-même, attentif à la durée de vacance des logements et à son chiffre d’affaires.

Quelles sont les exigences critiques des clients ?

Si l’on se contente de prendre les exigences critiques du groupe d’acteurs « réservataires », on voit déjà apparaître une diversité importante d’attentes :

  • loger telle catégorie de demandeurs,
  • utiliser tel outil de saisie ou telle procédure,
  • transférer la charge de travail du rapprochement “offre/demande” du réservataire vers le bailleur…

Avec pour chaque réservataire des besoins propres et parfois changeants…
On pourrait également se demander dans quelle mesure des attributions « administrées » répondent aussi aux attentes des demandeurs…

Maîtriser la qualité de ce qui entre dans le process ?

Il suffit de faire la liste des outils et éléments du cadre réglementaire pour se persuader que la qualité n’est pas nécessairement là à l’entrée du process : un peu de CIA, de PDALHPD, de L441-1 du CCH, de DALO !!
Mais aussi d’accord collectif, de « faut 3 candidats », de CALEOL…

Sans parler du fameux premier quartile HQPV (obligation de résultats) et des quartiles 2, 3 et 4 en QPV (obligation de moyens !).
Ah ! Et puis la cotation de la demande est là pour donner de la cohérence à tout ça…
Et pour résoudre la quadrature du cercle, vous prendrez bien un peu de location choisie, de bourse d’échange et de Bienvéo ?

Comment, avec un tel cadre, le process peut-il être efficient et répondre aux besoins des clients ?

Quelques indicateurs clés…

On s’en doute, avec un tel contexte, la détermination de quelques indicateurs qui orientent l’action des équipes est bien complexe.
Premier quartile hors QPV et attribution au public prioritaire sont des objectifs du CCH auxquels les services de l’Etat prêtent une grande vigilance. Il faut saluer là l’effort de l’Etat pour orienter l’action des organismes. Mais subsistent quand même quelques questions :

  • Ces indicateurs sont-ils pertinents dans les zones rurales ou détendues ? Que veut dire un pourcentage d’attribution au premier quartile HQPV dans une zone de vacance chronique ?
  • L’animation locale de ces conventions permet-elle d’ancrer ces priorités ?

Le cadre réglementaire des attributions se prête à cette analyse… mais on pourrait aussi poser la question concernant d’autres activités des bailleurs :

  • les multiples contractualisations des organismes permettent-elles d’orienter l’action territoriale, notamment quand le périmètre d’intervention s’étend sur plusieurs EPCI ?
  • les orientations et contre-orientations dans la politique énergétique, 
  • une réglementation amiante qui permet d’afficher des convictions fortes après des années d’errance…

 Avec quelles conséquences sur l’efficience ? 

On s’en doute, les conséquences sont peu favorables :

  • Difficulté à piloter et à donner des orientations claires en matière d’attribution, ce qui risque, le plus souvent de faire la part belle aux situations d’autoarbitrage,
  • Multiplication des outils, des reportings et des négociations de conventions locales qui sont chronophages et rendent complexe  l’automatisation,
  • Difficulté à maîtriser les coûts, à conduire un projet de moyen terme, en emmenant les parties prenantes…
  • Des incompréhensions et des situations de communication compliquées, chacun pensant avoir la loi pour soi…

Tout cela pèse, in fine, sur les coûts de gestion des organismes… et est cause d’objectifs de politiques publiques imparfaitement atteints.
L’efficience économique, le besoin de sens pour les équipes et la dimension sociale se rejoignent.

 Que faire ? 

En souriant, l’autre jour, un collègue me disait « ce qu’il faut, c’est un double CCH ! »
Toujours sur mon vélo, je me prends à imaginer. Qu’est-ce que cela donnerait ?

  • un CCH attribution pour les zones détendues dans lesquelles l’enjeu est le logement des plus démunis, toujours, mais aussi, pour ce faire, la pérennité des organismes. Et leur capacité à contribuer à l’attractivité du territoire (centre bourg, cœur de ville…). Un cadre réglementaire allégé permettant de veiller à l’utilité sociale des organismes serait alors totalement opportun ;
  • un CCH attribution pour les zones tendues avec des outils revus et resserrés. Des priorités de politiques publiques claires, portées et animées, permettant de renforcer l’alignement des acteurs. Avec la diffusion de référentiels partagés…

Et ça tombe bien, les zonages de zones tendues et détendues… ils existent déjà !

Quoi ? Il y a un zonage ABC et un zonage 123 ? Lequel faudrait-il choisir me demandez-vous ? Hum…

Et vous, qu’en pensez-vous ? On échange ?

Tristan CANAT
Manager et DG adjoint chargé de l’organisation & amélioration continue
t.canat[at]aatiko.fr
06 72 89 06 47