Pour un Schéma Directeur de Gestion Numérique du Patrimoine

Nous étions récemment chez un bailleur pour animer des ateliers de définition des fonctionnalités, dans le cadre d’un projet de changement d’ERP. Lors de l’échange avec le service de gestion locative, l’un des premiers besoins exprimés a été de « disposer d’une base de données patrimoniales complète, au niveau de l’équipement et de ses caractéristiques précises ». Rien que ça ! 

Et quelle que soit la manière dont les bailleurs sociaux cherchent ensuite à répondre à ce besoin (souvent par le déploiement « du BIM »), nous constatons que le projet qui en découle :
est abordé sous un angle technique et SI, il devient alors rapidement tentaculaire avec autant de sous-projets qu’il y a d’outils digitaux à déployer, puis à alimenter en données,
s’étale progressivement dans le temps (plusieurs années), avec des gains métiers (ROI) qui tardent à parvenir à l’utilisateur final,
mobilise fortement les équipes, et demande des compétences spécifiques qu’il faut souvent acquérir.

Bref, se lancer dans ces sujets complexes et vastes est une aventure. On a beau avancer, l’horizon (une base patrimoniale complète, mise à jour automatiquement et accessible à tous) semble désespérément ne pas se rapprocher…

Pour éviter cela, il nous apparaît utile de faire de la Gestion Numérique du Patrimoine un projet stratégique à part entière, à structurer autour d’un Schéma Directeur dédié. Ce dernier doit permettre de :
faire passer les besoins métiers avant les outils
prioriser les projets vecteurs de gains rapides et tangibles
déployer une organisation et des compétences pérennes

Extrait et (très) librement traduit du site internet DILBERT ©

 Quelques constats 

Outre l’anecdote relatée précédemment, nous avons fait les constats suivants au cours de nos différentes interventions :
Le besoin de développer la connaissance technique de son patrimoine est central et partagé par tous les services (et pas uniquement pour la programmation de travaux), et au-delà par l’ensemble des bailleurs,
Ce besoin est exprimé de façon générique, renvoyant à un « outil magique », plutôt qu’à des usages métiers précis,
Les outils de gestion financière et locative performants que sont les ERP ne sont pas développés pour faire de la Gestion Numérique de Patrimoine poussée.

Les bailleurs sociaux engagent alors des projets parallèles de développement de leur Gestion Numérique du Patrimoine qui ont tendance à se concrétiser par la mise en œuvre de projets BIM / maquette numérique. Lors de notre accompagnement, nous observons que :
Ces projets s’étalent dans le temps (parfois sur plusieurs années) et mobilisent fortement les équipes.
Les premiers gains métiers tardent à se concrétiser.

Dès lors, comment séquencer ces projets par blocs logiques et ordonnés, anticiper l’ensemble des contraintes et moyens à mettre en œuvre, tout en maintenant la dynamique des équipes ?

 Faire passer les besoins métiers avant les outils… 

Les outils centrés sur la Gestion Technique du Patrimoine se sont multipliés ces 10 dernières années à travers 3 volets :
Les outils de BIM Gestion (ou BIM-GEM), permettant d’héberger une base patrimoniale complète et graphique, reliée à l’ERP, et proposant des modules fonctionnels dédiés à son exploitation (programmation de travaux, suivi des obligations réglementaires, diagnostics techniques, suivi des interventions, …),
Les outils de mobilité, permettant d’amener sur le terrain des tâches de maintenance du patrimoine jusqu’ici réalisées sur papier / au siège (états des lieux, gestion des réclamations et des commandes, suivi des contrats, veille patrimoniale…),
Les plateformes, permettant de faire circuler « à chaud » les informations sur l’entretien du patrimoine auprès de l’ensemble des parties prenantes (siège et agence du bailleur, prestataire intervenant sur le patrimoine, locataire).

Les outils et les acteurs susceptibles de répondre à votre besoin de digitalisation de votre Gestion Technique Patrimoniale sont nombreux… Dès lors, comment faire un choix ?

La cible applicative telle que nous la voyons se construire chez les bailleurs

La première étape de construction de votre Schéma Directeur est de recenser les difficultés rencontrées par vos équipes au quotidien. Ces difficultés proviennent généralement de données patrimoniales de mauvaise qualité et/ou difficilement accessibles et/ou inexploitables par un outil performant… et moins souvent de données manquantes.

C’est là qu’on se rend compte, par exemple, que les métrés des sols d’un logement sont mesurés 5 ou 6 fois (à chaque EdL de sortie par le bailleur, par les diagnostiqueurs, lors d’une réhabilitation, …) et jamais consolidés au même endroit. Ou bien que les besoins de travaux collectés sur le terrain par les agences et remontés au siège… ne sont en fait pas utilisés pour arbitrer le plan pluriannuel d’entretien. Ou encore que ce sont les modules de suivi comptable des commandes qui permettent d’avoir une vue précise des historiques de travaux.

Derrière chaque difficulté exprimée, un besoin métier s’exprime plus ou moins clairement. Il est indispensable de le verbaliser le plus clairement possible (un besoin commence par un verbe, il est quantifiable / mesurable, il est parlant pour l’utilisateur concerné). Par exemple « lors de la réalisation d’un état des lieux de sortie, avoir accès aux métrés du logement en un clic » ; « intégrer les besoins de travaux remontés par le terrain dans les simulations du PPE ».

Pour finir, ces besoins sont consolidés dans des projets cohérents et homogènes, rattachés à un process métier (et non à un outil numérique) précis. Ces projets renvoient, in fine, autant sur les modalités / process d’utilisation des données patrimoniales (où et par qui sont-elles créées, modifiées, supprimées) que sur les outils permettant de les exploiter.

 Prioriser les projets vecteurs de gains rapides et tangibles 

Il est tentant, pour un CODIR convaincu par la nécessité stratégique de développer la Gestion Numérique du Patrimoine, de se lancer dans un vaste projet de mise en place d’une base de données techniques exhaustive et de numériser l’ensemble du patrimoine en maquettes numériques prêtes à l’emploi.

Nous privilégions une approche tout aussi ambitieuse à long terme, mais :

1/ cherchant à court terme des réussites rapides et tangibles (petits pas)  

Parce que ces projets se révèlent, d’une part, être des marathons mobilisant vos équipes sur plusieurs années sans générer de gains métiers immédiats, et donc épuisants. Ils ont, d’autre part, des impacts organisationnels à anticiper et qui nécessitent de prendre le temps d’expérimenter.
Parce qu’une approche par « petits pas » permet de privilégier les succès rapides et visibles pour les équipes métiers et de les embarquer dans une dynamique projet plus large. Les équipes s’intéresseront plus naturellement aux gains pour l’organisation si elles y voient un intérêt personnel d’abord.

Pour ce faire, une cotation des projets basée sur les jalons de déploiement, leur utilité métier et leur faisabilité (technique, financière, organisationnelle) est pertinente.

2/ structurant progressivement les conditions de succès de long terme de votre Gestion Numérique du Patrimoine

La structuration d’un projet « patrimoine numérique », fédérant l’ensemble des projets à mener sur le sujet et impliquant DSI, métiers et CODIR
La structuration d’un pôle « gouvernance de la donnée technique », pilotant les process de création / modification des données techniques
Le choix d’un outil SI hébergeant la base de données techniques
La définition collective de votre granulométrie d’équipement à suivre et de son format

 Définir et piloter une feuille de route de la Gestion Numérique du Patrimoine à court, moyen et long terme 

Définir un schéma directeur à court, moyen et long terme 

Votre Schéma Directeur doit avoir une finalité, une cartographie applicative cible à mettre en place à long terme. Par exemple, la mise en œuvre d’une base de données patrimoniale très exhaustive à un format iso-normé et permettant une visualisation graphique de votre patrimoine.

Votre Schéma Directeur doit prévoir une vision à court et moyen terme, qui sont des étapes pour arriver à votre cible dans de bonnes conditions. Plusieurs impératifs informatiques sont à prendre en compte pour y arriver :
Privilégier les solutions ouvertes qui peuvent être « branchées » et « débranchées » rapidement de votre système d’information. Vos besoins peuvent évoluer et un outil répondant parfaitement à vos besoins du moment ne le fera peut-être pas demain. Les outils informatiques évoluent rapidement et il est impossible de savoir ce que sera le marché demain. Autant se laisser le choix.
Eviter la captivité vis-à-vis d’un éditeur. En contractualisant les conditions de la réversibilité de vos données et dans l’idéal, en ayant une maîtrise des interfaces de votre Système d’Information.

Définir une structure de pilotage de projet efficiente

Acheter la plus belle voiture de course ne sert pas à grand-chose quand on ne sait pas la piloter (si ce n’est à l’afficher). Ça vaut aussi pour votre Schéma Directeur.

Une structure projet efficiente doit répondre aux impératifs à long, moyen et court terme, de votre Schéma Directeur :
A long terme avec une instance de pilotage, prenant les arbitrages stratégiques et décidant si besoin des mises à jour du Schéma Directeur, nécessaires pour atteindre votre cible à long terme.
A moyen et court terme, avec une instance de Coordination en charge du pilotage du Schéma Directeur, de la coordination nécessaire entre les projets et relais de l’instance de Pilotage.
A moyen et court terme, avec des groupes projets opérationnels en charge du pilotage et de la réalisation opérationnelle des projets.

Structurer en arrière-plan des compétences et des méthodes pérennes de gestion de la donnée patrimoniale. Une Gestion Numérique du patrimoine efficiente passe par un suivi quotidien de la bonne alimentation des outils en données patrimoniales fiables et à jour.

Il faudra mettre en place au sein de votre organisme un pôle de gouvernance de la donnée patrimoniale en charge de :
Superviser la base technique et le dictionnaire de données
Participer à l’ensemble des projets touchant à un process gérant et consommant de la donnée technique
Former les utilisateurs aux processus d’intégration et de mise à jour des données techniques
Contrôler le respect des process d’intégration et de mise à jour des données

Nos dernières références sur ces sujets 

N’hésitez pas à nous contacter ! 

Pierre-Louis ROUSSEL
Manager, DGA en charge de l’organisation
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Thomas GAUTHIER
Consultant
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