Le cadre stratégique d’utilité sociale

Avant de parler de la « CUS-groupe », parlons de la « CUS » classique. Cette obligation légale de 2009 rebute une bonne part des bailleurs sociaux du fait de sa lourdeur « technocratique » pour une valeur ajoutée plus que limitée. La convention d’utilité sociale de première génération est à l’initiative de Madame Christine Boutin avec sa loi du même nom appelée aussi loi Molle pour « mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion ». Cette loi date du 25 mars 2009.

Nous avons donc connu deux générations de CUS : une 1ère génération sur la période 2009-2015, puis une 2nde génération (reportée) sur la période 2019-2025 ou sur la période 2020-2026 pour certains organismes.

Dans l’acronyme, les mots ont leur importance :

convention : il faut effectivement retenir de la CUS l’idée d’engagement contractuel entre le bailleur d’une part et les services déconcentrés de l’État (DREAL, DDT) d’autre part. Depuis la loi Égalité & Citoyenneté de 2017 se mêlent aussi les PPA, personnes publiques associées, soit les départements et EPCI concernés par le patrimoine du bailleur.

utilité sociale : même si de nombreux bailleurs pourraient remettre en cause le mot « utile » (voir infra), il faut retenir le binôme « utilité sociale ». Aussi la CUS vise à expliciter pourquoi les organismes HLM reçoivent de l’argent public étatique. Ils sont en effet investis d’une mission d’intérêt général autre que purement lucrative : loger les plus pauvres. D’où une convention visant à s’engager sur les 6 prochaines années sur toute une série d’indicateurs, avec deux piliers principaux : la politique patrimoniale et la politique sociale de l’organisme.

 

Extrait et (très) librement traduit du site internet DILBERT ©

 Que s’est-il passé sur la période 2015 à 2019 ? 

Les deux générations de CUS ne se sont pas directement suivies du fait d’un calendrier 2015-2019 ayant connu de nombreux soubresauts réglementaires et législatifs introduisant des reports successifs avec notamment :

la loi du 7 janvier 2017 relative à l’Égalité et à la Citoyenneté (dite souvent loi E&C) qui vise à renforcer la mixité sociale via une obligation d’attribution aux plus pauvres en dehors des territoires QPV (le but : éviter le phénomène de ségrégation),

le décret n° 2017-922 du 9 mai 2017 modifiant le CCH, code de construction et habitat,

La loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté (1) et la Loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (dite loi ELAN) qui simplifie le nombre d’indicateurs, passant de 26 à 11 indicateurs. Aussi, l’article L423-1-1 modifié par la loi ELAN instaure l’obligation d’élaboration du cadre stratégique patrimonial et d’utilité sociale.

Le décret du 26 juillet 2019 paru au Journal officiel du 28 juillet 2019 intégrant les modifications apportées par la loi « ELAN ». Ce texte modifie sensiblement le cadre des indicateurs, engendrant pour les bailleurs concernés par la CUS en 2019 un important travail de mise à jour sur le second semestre de l’année,

L’arrêté du 14 août 2019 portant modification de l’arrêté du 19 octobre 2017, quant à lui, vient préciser les modalités de transmission des engagements et indicateurs.

 Nouveau calendrier des CUS 

La date de dépôt du projet de Convention est légalement reportée au 1er Juillet 2019. Il s’agit bien du « projet de CUS », donc non nécessairement signé par tous les partenaires. La version finale, validée par tous, doit être déposée avant la fin de l’année civile 2019.  Et la CUS entre en vigueur rétroactivement au 1er juillet 2019. Attention, les indicateurs eux portent bien sur des années civiles, soit du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2024.

Pour les organismes concernés par un projet de fusion ou d’intégration à une société anonyme de coordination (ou « SAC »), si l’organisme le demande, le Préfet peut accorder un report d’un an, renouvelable une fois.  La convention en vigueur est alors prorogée d’une nouvelle année ou amendée par avenant.

Remarquons que le texte de loi n’évoque pas la période effective de la CUS. Et ainsi, l’État et les partenaires associés seront potentiellement confrontés à des bailleurs calés sur la période 2019-2025 et d’autres sur 2020-2026, voire une minorité sur la période 2021-2027.

De quoi complexifier un peu plus le pilotage local et national des CUS…

 La CUS est-elle vraiment « utile » ? 

La CUS porte sur un objectif initial louable : imposer au monde HLM des indicateurs de suivi que l’on retrouve habituellement dans le secteur privé. La CUS s’inscrit dans la perspective d’une recherche d’efficience appuyée par des indicateurs chiffrés. Ainsi, le passage de la convention globale de patrimoine à la CUS en 2009 (loi Molle) marque une volonté de fixer au monde HLM des feuilles de route contraignantes, faisant l’objet d’une évaluation contradictoire et périodique.

Le problème : les indicateurs sont nombreux et relativement mal choisis. Pire, ils sont déclinés à une échelle départementale et intercommunale, ce qui ne fait aucun sens pour certains gros bailleurs implantés sur la quasi-totalité du territoire français.

Précisons tout de même que le législateur a revu sa copie en allant vers une simplification : la 1ère génération de CUS retenait un total ahurissant de vingt-six indicateurs de performance [1]. La CUS de 2nde génération ne retient « plus que » onze indicateurs dont deux sont optionnels (annexe 1 & annexe 2). Attention, il ne faut pas oublier d’ajouter les deux indicateurs « accession » (PP-ACC-1 et PS-ACC-1) et les trois indicateurs « logements-foyers » (PP-LF-1, PP-LF-2 et PP-LF-3) même s’il est vrai que les enjeux sont souvent moindres pour ces parties spécifiques.

On précisera utilement que l’on ne pose pas ici la question de la capacité des services déconcentrés de l’État à faire de cet outil un outil de pilotage des bailleurs et d’évaluation des politiques conduites, qui est très variable selon les territoires…

En bref, la bonne idée d’une contractualisation d’objectifs challengeante pour les organismes a raté son objectif : les indicateurs sont jugés peu pertinents par la plupart des bailleurs sociaux, car éloignés de la réalité de leur métier. La simplification de 2nde génération a malheureusement laissé la porte ouverte à de nombreuses incertitudes. La segmentation demandée selon les EPCI/EPT ou département aboutit à des tableurs Excel illisibles de plusieurs dizaines, voire centaines de lignes selon les bailleurs.

[1] Ces indicateurs sont décrits dans la circulaire du 12 avril 2010, qui comporte 78 pages.

 Qu’est-ce que la « CUS-groupe » ? 

Une nouvelle étape est franchie par le législateur avec la promulgation de la loi Elan le 23 novembre 2018, qui fixe un seuil de patrimoine de 12 000 logements en deçà duquel un bailleur social (hors outre-mer) devra, au 1er janvier 2021, justifier de son appartenance à un « groupe d’organismes de logement social » d’une taille minimale de 12.000 logements.

Dans cette optique, l’organisme fusionné / SAC doit produire une « CUS-groupe » ayant l’intérêt principal de mutualiser les objectifs patrimoniaux (PP-1, PP-2, PP-3, PP-4) et les objectifs sociaux des CUS de chacun de ses bailleurs membres (PS-1, PS-2, PS-3).

Néanmoins, le texte réglementaire [2] n’est pas très loquace sur le contenu précis de ce « cadre stratégique d’utilité sociale » à l’échelle de l’ensemble des organismes associés. Il est ainsi écrit : « Le cadre stratégique d’utilité sociale définit, à l’échelle de l’ensemble des organismes qui constituent le groupe, des orientations générales et des objectifs chiffrés pour les engagements sur la qualité de service rendu aux locataires, la politique patrimoniale, la gestion sociale, la concertation locative avec les locataires et, le cas échéant, la politique en faveur de l’hébergement et la politique d’accession. »

[2] Il faut se reporter à l’article L423-1-1 du CCH modifié par l’article 81 de la n°2018-1021 du 23 novembre 2018 (ici)

 Quid de l’ambition à donner à ce texte ? 

Ce texte laisse donc aux bailleurs la possibilité de juger de l’ambition de leur « CUS-groupe », allant d’un scénario assez minimaliste de rappel des grandes orientations de la société-mère jusqu’au chantier titanesque et un peu vain d’une CUS fusionnée à l’échelle de plusieurs organismes.

Récapitulons. Dans la hiérarchie des documents, ce cadre de CUS-groupe prévaut sur la CUS propre de chaque organisme. Le cadre stratégique de la SAC inclut des orientations générales et des objectifs chiffrés, sur :

La qualité de service rendu,
La politique patrimoniale,
La gestion sociale,
La concertation locative,
Et, le cas échéant, les politiques d’hébergement et d’accession.

De notre point de vue, il semble opportun de se pencher sur certains indicateurs, en particulier :

Pour la politique patrimoniale,
> Le PP-1 c’est-à-dire le nombre de logements locatifs sociaux financés sur la période de 6 ans, afin de répondre aux enjeux du PLH sur un même territoire et coordonner vos actions de développement,
> Le PP-2 c’est-à-dire le nombre de rénovations énergétiques sur les étiquettes F et G, afin de répondre à l’objectif du Grenelle de l’Environnement (aujourd’hui jugé inatteignable),
>
Le PP-3 c’est-à-dire le nombre de logements réhabilités ayant plus de 25 ans, selon un prêt de la Caisse des Dépôts et des Consignations,
>
Le PP-4 c’est-à-dire le nombre de mises en commercialisation et le nombre de ventes effectives (hypothèse de ventes espérées), afin d’accompagner les locataires dans leur parcours résidentiel et répondre aux exigences ministérielles de vente de logement et d’accession à la propriété (et aussi afin de pouvoir « réinvestir pour développer »).

Pour la politique sociale, la particularité de la politique réside dans la territorialisation des objectifs :
> Le PS-1 soit « la part d’attribution, par EPCI, aux ménages relevant du 1er quartile hors des QPV » est territorialisée à l’échelle de l’EPCI. Ainsi les objectifs d’un groupe ne seront pas assez parlants sauf si le groupe négocie avec chaque agglomération, dans le cadre de la CIA, un objectif groupe répondant aux objectifs individualisés et cumulés des bailleurs.
>
Le PS-2 et PS-3 sont des objectifs relatifs au relogement des publics prioritaires et DALO. Or, ils sont appréciés à l’échelle de l’organisme par les DDT notamment au regard de la détention patrimoniale et de la rotation.

Pour la politique de qualité de service,
> Le SR-1 dit « accessibilité des logements » a pour intérêt d’appuyer une politique d’accessibilité des logements à une population de plus en plus âgée et aux PMR.

 Au-delà des indicateurs, quel message « pour le cadre stratégique d’utilité sociale » ? 

Le cadre stratégique d’utilité sociale, tel qu’il est défini par l’article L423-1-1 du CCH offre une certaine liberté aux membres d’un groupe ou d’une SAC dans le sens où il n’impose « que » des orientations générales et des objectifs chiffrés. Vous êtes ainsi libres de définir le contenu de chaque politique tant que celle-ci sert l’intérêt des territoires et des locataires (que vous pourrez concerter en appui pour démontrer que 1+1=3).

Les éléments fournis ci-dessous sont de nombreux exemples visant à appuyer « l’utilité sociale » d’organismes regroupés.

La politique patrimoniale du groupe :

Prouver que le groupe accompagne les territoires dans le développement d’une offre diversifiée et adaptée aux besoins. Aussi, certains territoires sont dépourvus de petites typologies et ces petites typologies (T1 et T2) sont nécessaires au logement des jeunes en insertion professionnelle.
Améliorer énergétiquement le parc et tendre vers le 0% F et G à horizon 2025 ou 2026,
Accompagner les communes dans la revitalisation des centres-bourgs,
Favoriser le parcours résidentiel et permettre aux locataires d’accéder à la propriété. L’accession à la propriété a pour intérêt d’offrir un pied-à-terre aux locataires et de soutenir l’économie locale. Aussi, elle répond à une obligation de la loi ELAN.

 La politique sociale du groupe : 

Répondre aux besoins de relogement d’urgence,
Accompagner les locataires dans le cadre du plan « Le Logement d’Abord »,
Si vous êtes concernés, répondre à la demande de relogement importante des publics prioritaires et des DALO.

La politique de qualité de service du groupe :

La digitalisation des métiers par un accompagnement notamment dans la transformation numérique des outils (outil numérique d’état des lieux, mutualisation de solutions innovantes et réduction des coûts etc.),
La mise en place de dispositifs de mesure de la qualité de service rendu harmonisés,
La mise en place de labellisation de certaines activités et / ou produits (seniors, jeunes, etc…),
L’amélioration de la relation client et si besoin sa mutualisation,
Une optimisation de la gestion des opérations en rénovation urbaine ouvrant notamment droit à des abattements de TFPB,
La convergence des politiques d’entretien et la réduction des coûts (par le phénomène de l’économie d’échelle).

 Comment Aatiko peut vous accompagner ? 

Pour ne pas faire de cette nouveauté de la loi Elan une nouvelle « usine à gaz », il nous semble pertinent de mener une réflexion commune approfondie au sens que doit porter ce cadre stratégique de CUS.

En effet, il ne s’agit pas de recommencer une CUS à zéro mais plutôt de consolider les engagements de plusieurs organismes à l’échelle d’un même territoire pour démontrer aux services déconcentrés de l’État et aux Personnes Publiques Associées (PPA) – selon le fameux proverbe africain –  « Tout seul on va plus vite, ensemble, on va plus loin. ».

Par exemple, à l’échelle de l’Ile de France, il parait nécessaire de présenter les objectifs consolidés chiffrés d’un même groupe sur les actions de construction (PP-1), rénovation énergétique (PP-2), réhabilitation (PP-3) ou plan de vente (PP-4), puis de les décliner par EPT ou EPCI sur lesquels les bailleurs sont implantés, et ce afin d’appuyer les futures actions à entreprendre sur ces territoires.

Le cabinet Aatiko Conseils vous accompagne sur :

La définition de votre cadre stratégique d’utilité sociale : Quel contenu pour quelles ambitions ?
La rédaction de ce cadre stratégique par :
>
La consolidation des objectifs,
>
La rédaction du document-cadre,
La consolidation de l’état de service rendu et de l’enquête OPS à l’échelle du groupe,
L’accompagnement dans la concertation et la présentation des objectifs et orientations consolidées à l’échelle de chaque territoire auprès :
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Du Conseil de Concertation Locative,
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Des collectivités d’implantation du groupe,
>
Des services déconcentrés de l’État,
>
Du Conseil d’Administration de la SAC.

 

Annexe n°1 : les indicateurs obligatoire LLS

 

Annexe n°2 : les deux volets spécifiques 

 

Nous sommes à votre écoute,

 

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Carl ABBOUD
Manager  

Tel : 06 35 54 69 96
c.abboud@aatiko.fr